Sous le ciel crayeux
Je dessine sur le motif : des fleurs, des feuillages, des paysages, des nuages. Je trace sur le papier des traits, parfois des lignes, où le blanc et le vide accueillent le mouvement et la matière même du dessin. Je dessine ce que je vois et montre comment ce que je vois apparaît.
Le dessin me permet de m’en tenir au strict minimum, une économie de moyens : du papier, du charbon, du plâtre, de l’eau, et du temps. Je suis attaché à cette force élémentaire des matériaux qui ouvre chaque séance de travail d’observation du réel, de contact avec le dehors.
Je dessine par série pour fatiguer la main, surprendre l'œil de la perception immédiate, défaire l’attente ou l’habitude. Je dessine pour sentir une présence qui traverse le motif.
La peinture est un travail d’atelier. C’est l’expérience quotidienne d’une lumière et d’une couleur que je perçois, comme un linge suspendu, irradié d’un rose blanchi, lorsque le soir s’annonce, ou une bruine invisible dans le ciel qui vibre d'un vert tilleul au contact de la mer, qui me poussent à rechercher et à poser une couleur sur un support.
Je ne cherche pas à représenter le rose blanchi ou le vert tilleul perçu. La couleur m'intéresse lorsqu’elle est une ouverture sur une mémoire de la couleur, une réminiscence, une sensation optique, une impression. Un bain ou un foyer de matière colorante. Une couleur mémorielle.
Pour la peinture, j’emploie du pigment et de la poudre de marbre liés à la colle de peau, appliqués sur des panneaux de peuplier de petits formats. C’est la technique de la détrempe précise et sans repentir possible, exécutée sur bois pour ses qualités de rigidité et de porosité.
Je cherche toujours à réaliser un geste simple dans le frais de la matière, un geste de soustraction et d’attention, de patience et d’oubli. Avec cette exigence picturale : s’en tenir à la surface peinte, sa liquidité, sa matité, son poudroiement ; un rai de lumière sur la poussière crayeuse du monde.
Le dessin et la peinture sont, pour moi, deux modalités d’entrer en contact avec le réel et de traduire une relation, une qualité de la relation de cette présence du monde « qui sait de nous ce que nous ignorons d’elle ».
Comment cette qualité de présence agit sur la mémoire et la sensation ? Comment une couleur et une surface peinte nous regardent et nous touchent ? D’où vient la couleur ? Comment la lumière me montre là où se dépose la poussière du monde ?
François Verdurier